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02/08/2010

(Mini-série UK) City of Vice : sombre polar londonien du XVIIIe siècle (La naissance des Bow Street Runners)



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A l'automne dernier, BBC1 diffusait la première saison de Garrow's Law (elle en a depuis commandé une seconde). Une forme de legal drama historique, à l'écriture par déplaisante, même si un peu en retrait de mes espérances, se déroulant dans la ville de Londres au XVIIIe siècle. Malgré moi, lorsque j'avais lu le synopsis pour la première fois, j'avais inconsciemment fait le parallèle avec une autre mini-série britannique, se situant également à la croisée de l'histoire et du policier, mais qui offrit un portrait bien plus sombre et contrasté - réaliste ? - de la capitale britannique : City of Vice.

Cette fiction est une des grandes réussites télévisuelles de Channel 4. Loin du somptuaire un peu creux de The Devil's Whore par exemple, City of Vice bénéficie d'une écriture aiguisée, fascinante, faisant renouer le petit écran avec les fondations les plus profondes du polar noir.

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Diffusée début 2008 sur Channel 4, City of Vice n'est pas une simple mini-série policière historique, puisqu'elle choisit de s'inspirer de faits réels et de nous relater la naissance des Bow Street Runners, sous l'impulsion du célèbre écrivain Henry Fielding. Initiés dans le contexte d'une vague sans précédent de criminalité qui amène le Parlement à devoir s'y intéresser et à allouer des fonds pour la combattre, les efforts de Henry Fielding, combinés au soutien de son frère, conduiront à la formation de la première force de police publique de la capitale anglaise, posant les fondations d'une justice rompant avec les pratiques antérieures de corruption.

Nous plongeant dans les coulisses étouffantes d'une ville où l'insécurité règne désormais, City of Vice dresse un portrait sans complaisance, teinté de noirceur, d'une société viciée. Construite de façon classique suivant le schéma d'une affaire par épisode, elle s'intéresse à tous les aspects les plus diversifiés - et, parfois, les plus repoussants - de la délinquance de l'époque. D'un apparent simple vol au meurtre sauvage d'une prostituée, en passant par des histoires de gangs ou encore des cas de prostitution d'enfants, le tableau dressé est souvent sordide. Pourtant, aussi pessimiste que soit l'image ternie qu'elle renvoie, City of Vice ne tombe jamais dans les excès, optant pour des reconstitutions toujours détaillées, mais jamais voyeuristes ou misérabilistes.

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Polar noir dans la plus pure tradition du genre, City of Vice se nourrit de son absence de manichéisme. Tout en exposant en pleine lumière les pires penchants de la nature humaine, la mini-série impose le cadre moral de son époque, supprimant tous les points de repère d'un téléspectateur qui cherchera en vain à distinguer le blanc du noir, dans un milieu où le gris troublé domine. Peu de politiquement correct, pas de valeurs intangibles et point de happy end rassurant non plus, au terme d'enquêtes qui laissent le plus souvent un arrière-goût amer, teinté d'un malaise lancinant et d'une certaine frustration. La justice est à ce prix.

Au-delà du caractère atypique et marquant de son cadre, la force de City of Vice réside aussi dans l'épaisseur de ses personnages principaux, deux demi-frères, aux caractères et aux mentalités très différents, que leur aversion pour le crime a unis dans ce projet. S'ils se présentent comme des observateurs extérieurs, détachés ou non, des extrêmités dans lesquelles leur société sombre, ils en symbolisent également bien des aspects, illustration des paradoxes d'une époque. Les deux hommes sont très dissemblables, leur différence de religion venant s'ajouter à des tempéraments aussi complémentaires que parfois conflictuels. Protestant, Henry Fielding est un écrivain à succès. Esprit aventureux, n'hésitant pas à s'inscrire en porte-à-faux de la rigidité sociale de son temps (en témoigne son mariage), il sait se montrer d'un naturel plus conciliant, sachant faire preuve de souplesse suivant les situations. John Fielding est d'un naturel plus intransigeant. Catholique, devenu aveugle alors qu'il rentrait dans l'âge adulte, il se montre toujours très méthodique dans les affaires traitées, canalisant si besoin est les élans de son frère.

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Particulièrement aboutie sur le fond, City of Vice l'est également sur la forme, à commencer par une reconstitution minutieuse du Londres du milieu du XVIIIe siècle. Les amoureux d'Histoire et de cette ville y trouveront leur compte. La mini-série a même recours à des images en 3D pour nous faire voyager dans ses tortueuses ruelles, donnant une perspective unique de la capitale anglaise et renforçant notre impression d'une véritable immersion dans cette cité. La réalisation reste sinon assez classique, peu figée. Pour respecter la tonalité du récit, la caméra emploie des teintes sombres, ce qui donne des images assez peu colorés, mais qui accentuent cette sensatin de plonger dans les coulisses de l'époque. Le tout est accompagné d'une bande-son composée de morceaux de musique classique.

Le casting est à la hauteur du haut standing d'ensemble, réunissant, pour incarner les deux frères, le magistral Ian McDiarmid (Charles II: The Power & The Passion) et Iain Glen (Wives and Daughters, Glasgow Kiss, The Diary of Anne Franck). Impressionnant dans leurs personnifications de ces deux figures historiques que furent les Fielding, ils délivrent une performance sobre et appliquée, des plus fascinantes, qui contribue beaucoup à asseoir la portée du récit. A leurs côtés, on retrouve notamment Steve Speirs (No Heroics), Francis Magee (No Angels), Alice O'Connell ou encore Sam Spruell.

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Bilan : Reconstitution historique aboutie, polar noir sombre et intense, City of Vice nous plonge dans une ambiance aussi troublante que fascinante, dans les bas-fonds londoniens les plus sordides, en plein XVIIIe siècle. Sans jamais céder à la tentation du misérabilisme voyeuriste, derrière son cadre policier, elle dresse un portrait noir et glauque d'une cité qui dissimule derrière ses façades des moeurs troubles, mais aussi toute une partie de la population marginalisée, noyée dans une pauvreté où il n'y a pas d'échappatoire.


NOTE : 9/10


La bande-annonce de la mini-série :

30/07/2010

(UK) Black Books : excentricités alcoolisées dans une savoureuse comédie de l'absurde

 

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Mine de rien, voici rien moins que le sixième billet d'une catégorie que j'avais initialement créée comme un défi à moi-même et à mes tendances téléphagiques dépressives : les "comédies britanniques". C'était un double challenge car, en plus d'être difficile à satisfaire dans le registre de l'humour, je suis souvent atteinte du syndrome de la page blanche lorsqu'il s'agit ensuite d'en rédiger une critique. Voyez-y peut-être une incapacité personnelle à analyser ou conceptualiser une telle fiction... Je ne sais pas.

La précision "british" de la catégorie s'expliquait par le fait que j'ai toujours eu un penchant plus prononcé pour le corrosif humour noir d'outre-Manche. Preuve de motivation, souvenez-vous, j'étais même remontée jusqu'en 1980 pour trouver des comédies répondant à mes attentes (je ne me lasse pas de ce petit bijou qu'est Yes Minister). Aujourd'hui, je reviens dans une période téléphagique plus contemporaine puisque, après les années 90 la semaine dernière, j'investis cette fois les années 2000, pour vous parler d'un OVNI télévisé dont seuls les britanniques ont le secret de la conception : Black Books. Comptant 3 saisons, pour un total de 18 épisodes en tout, elle fut diffusée de 2000 à 2004 sur Channel 4.

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Black Books est une sitcom qui se complaît dans une dynamique de tous les excès défiant constamment toute logique. Elle se déroule principalement dans une petite librairie du même nom, dont le propriétaire, Bernard Black, personnifie à outrance l'esprit de la série. Misanthrope alcoolique, marginal anarchique, excentrique égoïste, il auto-gère vaguement son magasin d'une façon anti-commerciale toute personnelle, qui laisse songeur sur la viabilité d'une entreprise donnant plutôt l'impression d'être une bulle retirée du monde. Fervent partisan du moindre effort, mais toujours partant pour des soirées arrosées, qui ont tendance à déborder sur le reste de la journée, Bernard ne manque pourtant pas d'ingéniosité. Tout en cultivant, sans avoir l'air d'y toucher, un sens de la provocation naturel, il fait également beaucoup d'efforts pour rester en marge des préoccupations normales du quotidien.

Cette attitude ne dynamise pas vraiment sa vie sociale. Ainsi, il n'a, au début de la série, qu'une seule et unique amie : Fran. Cette dernière s'occupe d'un magasin de décorations, vendant mille et un gadgets à l'utilité au mieux discutable, au pire inexistante. Pendant féminin parfait à Bernard et compagne de beuverie chevronnée, Fran est malgré tout pleine d'une bonne volonté, aussi maladroite qu'inefficace. Certes décalée, elle est aussi pragmatique comme toute trentenaire dont l'horloge biologique s'est activée a le secret. Mais ses rêves de maris potentiels et de futurs colorés finissent généralement en douloureux réveils de lendemain de fête, l'échec noyé dans l'alcool aux côtés de Bernard.

Enfin, au cours du pilote, suite à une série de quiproquos improbables où la boisson joue un rôle déterminant - typiquement Black Books-iens, donc -, Bernard embauche une sorte d'assistant, Manny, un ex-comptable récemment viré, dont la fonction, initialement quelque peu floue, va prendre de plus en plus d'importance dans le quotidien du libraire.

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A partir de ce cadre de base, Black Books développe un univers très décalé, assez unique en son genre, se complaisant dans un excès alcoolisé où le burlesque se mêle à l'absurde. Cela donne un cocktail aussi détonnant que déjanté, difficilement catégorisable, mais dont l'humour corrosif est un sombre délice qui se savoure sans arrière-pensée. La série fascine par sa façon bien à elle de repousser constamment toute limite, se nourrissant de ses excès, qu'ils soient le fait de ses personnages ou ses propres effets narratifs.

En elle-même, elle constitue un véritable défi à tout effort de rationalisation ; elle est, pour le téléspectateur, une invitation à plonger sans retenue dans une atmosphère indéfinissable d'ébriété inconséquente, bannissant toute pensée cohérente et devenant rapidement contagieuse. La série propose ainsi des épisodes sans forcément de fil narratif rigoureux, mais avec souvent un thème central (l'introduction d'un élément qui vient bouleverser le quotidien, par ex. : "the cleaner", dans la saison 1). Cela donne parfois l'impression d'empiler des sketchs, tout en chérissant toujours une liberté de ton aussi noir que sarcastique.

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C'est donc le quotidien, improbable, de notre trio, qui constitue le terrain d'expression de Black Books. La série s'approprie des ressorts ou des thèmes assez classiques, presque anecdotiques, pour généralement les amener à un tout autre niveau. Par exemple, au cours de la première saison, l'épisode où Bernard fait face à sa déclaration d'impôts à remplir demeure un incontournable. Vient également à l'esprit l'embauche d'un nettoyeur consciencieux par un Manny singulièrement effrayé par les conditions d'hygiène qui règnent dans la boutique. La série impose une identité qui lui est propre, permettant au téléspectateur d'assister à des scènes uniques, comme la gestion par Bernard de ses relations avec ses clients, qui nous laissent aussi hilares qu'incrédules devant notre petit écran.  

Si Black Books, aussi improbable qu'elle soit, fonctionne, elle le doit également en bonne partie à son casting, qui réussit à trouver le juste équilibre, entre retenue flegmatique et excès assumé, au sein de cette sitcom atypique. Il faut dire que l'acteur principal, Dylan Moran, qui interprète Bernard, est également le co-créateur de la série. L'humoriste irlandais n'a pas son pareil pour mettre en scène l'apathie alcoolisée, teintée d'excentricité, du personnage qu'il incarne. A ses côtés, on retrouve deux autres grands habitués de l'univers comique d'outre-Manche, avec Tamsin Greig (Green Wing, Love Soup) et Bill Bailey. Si bien qu'il n'est pas étonnant que le cocktail prenne sans difficulté.

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Bilan : Comédie absurde à l'humour corrosif, regorgeant de tirades sarcastiques et de situations improbables, Black Books nous plonge dans une ambiance alcoolisée qui marque un défi à tout effort de rationalisation. Pour notre plus grand plaisir, elle se permet toutes les excentricités, refusant de s'astreindre à la moindre limite, afin de remplir un seul objectif : celui de nous faire rire. Et cela fonctionne.

Par ses excès et la tonalité sombre qui y règne, elle investit sans doute une niche assez particulière dans les comédies. Elle s'inscrit aussi dans une tradition d'irrévérence toute britannique. Mais que vous soyez amateur ou profane face à ce type d'humour, laissez-vous embarquer, au moins une fois, dans un épisode en version originale (j'insiste sur la nécessité de la VOST). Le voyage est assuré d'être décoiffant !


NOTE : 7,5/10


Le générique :

Un extrait :

27/06/2010

(UK) The IT Crowd, series 4 : corrosive et désopilante immersion au sein d'un service informatique


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Vendredi soir débutait sur Channel 4 la quatrième saison inédite de The It Crowd. On avait presque oublié qu'elle était encore en production et c'est peu dire que ces nouveaux épisodes se seront faits attendre, puisque la diffusion de la saison 3 datait de fin 2008, soit il y a plus d'une année et demie.

Je vous ai déjà parlé de mes difficultés à apprécier le genre comique. On touche ici à une frontière constante dans mes goûts téléphagiques, dont l'existence remonte à l'origine de mon visionnage de séries. Cependant, de temps à autre, je croise une comédie qui va réussir à me fidéliser timidement. Si je ne suis pas restée insensible à Arrested Development ou à The Office (US) aux Etats-Unis, j'avoue que je cultive surtout un certain penchant pour l'humour corrosif si accrocheur des comédies d'outre-manche. The Thick of It, Black Books ou encore The Office, voilà sans doute le type d'humour qui me convient le mieux, même si tout cela reste à la marge dans ma consommation sériephile générale.

Toujours est-il que dans cette liste des fictions où l'on retrouve le cynisme inimitable de l'humour britannique (style que je pense apprécier de plus en plus, au vu de mes visionnages d'intégrales, depuis un an, de séries comme Yes Minister, Blackadder ou encore Jeeves & Wooster), figure The It Crowd.

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The IT Crowd est une sitcom qui fut lancée en 2006, donc en précurseur des séries qui mettront ensuite en avant geeks et autres nerds outre-Atlantique (la vague de ce genre date de la saison US 2007-2008). Une adaptation américaine sera d'ailleurs un temps envisagée, sans que le projet se concrétise.

Cette série nous narre les éreintantes journées de travail (et, exceptionnellement, quelques fois en extérieur) au sein du service informatique d'une grande entreprise anglaise. Jeune cadre ambitieuse, Jen crut à une promotion lorsqu'elle décrocha un poste de manager dans ce département. Mais c'est derrière un bureau presque glauque, dans les sous-sols du siège de sa société, qu'elle attérit, avec pour mission d'encadrer deux collègues de travail dont le but professionnel ultime semblait être d'en faire le moins possible. La cohabitation entre la pragmatique Jen et ces deux informaticiens, véritables geeks dans l'âme, n'allait pas être de tout repos ; l'occasion finalement pour chacun de s'ouvrir un peu à un autre monde, presque une autre réalité pour certains.

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L'atout de The It Crowd réside dans l'alchimie qui se dégage de ses personnages, portée par cette ambiance corrosive qu'elle va réussir à installer. La sitcom parvient à trouver cet équilibre étrange, presque improbable, d'association des opposés, source inépuisable de situations cocasses souvent drôles. Nous ne sommes pas dans du mockumentary rigide comme The Office. La série entérine certes l'importante modernisation des codes scénaristiques du genre datant des années 2000, mais elle opère cependant un compromis avec des ingrédients  plus classiques, n'hésitant à utiliser (avec un certain succès) les poncifs traditionnels, dans les relations professionnelles, mais aussi personnelles.

D'un cynisme constamment réaffirmé, maniant avec habileté cet humour noir aussi indéfinissable que jubilatoire que certains qualifieront d'"humour anglais", The It Crowd est une série résolument excentrique, parfois franchement surréelle, mais toujours très dynamique, assumant et revendiquant ses excès et l'absurdité de certaines situations ainsi créées. Souvent désopilante, la série brouille notre sens de la normalité, caricature et prend ses distances avec l'univers qu'elle dépeint. Elle mise beaucoup sur un comique de situation dans lequel elle excelle, tout en sachant diversifier également ses ressorts narratifs (notre duo de geeks offrant un terrain propice au comique de caractère). Le téléspectateur se laisse aisément prendre au jeu.

Même si elle se déroule sur un lieu de travail, les histoires ne concernent pas toujours uniquement le quotidien de l'entreprise. Nous avons certes droit à notre dose de rivalités inter-services et à un patron caricatural à souhait, mais la vie privée des personnages trouvera aussi une place au milieu de tout cela. C'est d'autant plus opportun que la césure entre deux mondes, celui de Jen et celui des deux informaticiens, se répercute logiquement (et souvent délicieusement) dans cette vie extérieure, notamment en ce qui concerne les relations amoureuses.

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Pour ce retour après un an et demi de disette, The It Crowd propose un épisode où l'on retrouve toutes les thématiques classiques de la série. Jen et ses rêves de promotion la font postuler à la fonction de manager chargée de s'occuper des hommes d'affaires invités par son patron, une fonction pseudo "culturelle" dont elle ne comprend pas réellement les implications et ce à quoi renvoie, en l'espèce, le terme "entertainment". Comme Roy, en pleine phase de dépression amoureuse, le lui explique en version cinéphile : la voilà intronisée en nouveau "Fredo" (cf. Le Parrain 2).

De qui pro quos en progressive immersion dans son rôle, Jen se charge tant bien que mal de sa mission, au cours de laquelle, une fois de plus, le clash des différents univers culturels de notre trio est pleinement mis à profit, permettant de plus au final de résoudre la situation. En effet, les jeux de rôle imaginés et animés par Moss vont se révéler plus attrayants que ce que le téléspectateur aurait pu imaginer. Au terme d'un processus qui souligne la maîtrise du scénario et la complémentarité constamment renouvelée des personnages, tout le monde y trouvera son compte... sauf Jen qu'une autre de ses initiatives, aussi spontanées que malheureuses, rattrape avant qu'elle ne puisse récolter les fruits de sa réussite.

En résumé, c'est un solide épisode que j'ai sans doute d'autant plus apprécié qu'il s'agissait de retrouvailles et que ce trio m'avait considérablement manqué. Moss demeure inimitable et unique, ressort comique le plus constant de la série. Et l'ensemble, homogène, se regarde avec plaisir !

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Bilan : Avec son ton corrosif à souhait, son habile maniement de l'absurde, son ambiance désopilante autant qu'excessive et ses personnages haut en couleur qui se complètent parfaitement, The It Crowd se révèle être une comédie attachante que l'on suit avec plaisir. On y retrouve la tonalité propre aux comédies british, avec cette noirceur un peu critique, teinté d'un cynisme aigre-doux jubilatoire.

Le tout se révèle bien plus accrocheur que ses très (trop) diluées et bien trop fades (et plates) consoeurs américaines (The Big Bang Theory en tête).


NOTE : 7/10


Le générique :


Les trailers de la saison 4 :

05/12/2009

(Pilote UK) Cast offs : une originale télé-réalité fictive

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Les Britanniques aiment décidément bien associer les concepts de télé-réalité à leurs séries. Souvenez-vous, l'année dernière, avec Dead Set, transposant Big Brother à la sauce des fictions d'horreur. C'est encore le cas en cette fin d'automne avec Cast offs.

Diffusée depuis le 24 novembre 2009, par Channel 4, cette série bénéficie d'un pitch de départ a priori original et louable. Dans la droite lignée des dramedy-mockumentary typiquement british, cette fiction se déroule sur une île, dans le cadre fictif d'une émission de télé-réalité du même nom. Six adultes ont accepté de participer à l'aventure. Mais la particularité du concept réside dans les personnes qui ont été castés : chacune souffre d'un handicap qui a une incidence sur son rapport au monde ; aveugle, sourd, paraplégique, atteint de nanisme, de malformation (due au thalidomide) ou de chérubisme. Cast offs choisit donc de se concentrer sur des individus qui, d'habitude, ne se voient offert qu'un accès marginal au petit écran. En initiant une réflexion sur la différence, la normalité et le regard des autres, la série s'aventure sur un terrain original qui mérite d'être souligné.

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Le fil narratif de la série se révèle sans doute son point fort majeur. Chaque épisode choisit de se concentrer sur un personnage. En fil rouge, nous suivons la vie sur l'île des six exilés volontaires, avec les aléas de la cohabitation auxquels s'ajoutent quelques péripéties, conséquences du pleine air, plus ou moins anecdotiques. Mais l'intérêt réel des épisodes réside dans le portrait qui y est dépeint. En effet, les caméras de l'émission de télé-réalité se sont immiscées dans l'intimité des différents protagonistes au cours des mois précédant le début de l'aventure. Cela permet de jouer sur une alternance entre flashbacks et présent.

Les retours en arrière s'avèrent des plus intéressants pour affiner la psychologie des personnages, par le récit d'un quotidien qui expose les thématiques attendues de la vie avec un handicap, tout en démystifiant volontairement les préjugés éventuels du téléspectateur. Car la série, et la mise en scène proposée, semblent avoir surtout un but : souligner à quel point,les préoccupations de nos héros se rapprochent de celles de tout un chacun, avec, simplement, un obstacle supplémentaire à franchir. De ce point de vue, l'objectif est pleinement rempli, tant dans les portraits dressés de chacun des personnages que dans leurs intéractions entre eux, sur l'île.

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Cette réussite s'explique en partie par le fait que la série ne verse pas dans les bons sentiments à outrance. Dans une ambiance où se mêlent humour noir et autodérision, typique des séries britanniques de ce genre où les répliques  ont plusieurs degrés de lecture, tout sonne très authentique. La série n'hésite pas à dépeindre ses personnages sous un jour peu reluisant suivant les situations. Il n'y a pas de traitement adouci : simplement une démonstration implacable de leur humanité et du fait qu'ils sont simplement comme tout un chacun, en bien comme en mal, ce qui les rend en fin de compte avant tout attachants.

La complexification de la psychologie des personnages, grâce à l'épisode qui est consacré à chacun d'eux, les rend d'autant plus crédibles. A ce titre, le choix de commencer la série sur un pilote centré sur le personnage peut-être le plus accessible humainement au téléspectateur est une bonne idée pour l'introduire dans Cast Offs. En effet, il est facile de ressentir de l'empathie pour Dan. Avec ses doutes et ses principes, il n'a pas le cynisme de certains de ses compagnons. C'est un sportif, devenu récemment paraplégique à la suite d'un accident, qui n'a pas encore pleinement accepté sa condition, toujours dans une phase d'adaptation progressive. Pour lui, l'île est une nouvelle étape.

Cependant, la série échoue à prendre une dimension supplémentaire. La réussite de la caractérisation des personnages ne permet pas d'occulter le rythme relativement lent et l'impression lancinante que tout le cadre n'est qu'un prétexte creux pour mettre en scène ce groupe. Oui, cette fiction part d'un objectif louable. Mais elle ne dépasse pas son intention première, ne s'appropriant jamais pleinement son concept.

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Bilan : Cast offs se révèle intéressante dans son traitement d'une thématique assez peu abordée dans le petit écran. Fiction aux dialogues directs, à l'humour noir (pas toujours très perceptible) et dotée d'une écriture spontanée, elle s'attache à démontrer à quel point chacun de ses personnages est comme tout un chacun, les dépeignant sur un jour positif, mais aussi négatif. Refusant de sombrer dans l'angélisme ou le misérabilisme, son ton apparaît avant tout réaliste.

Cependant, la série ne parvient pas à trouver son rythme de croisière, peinant à maintenir l'attention du téléspectateur tout au long d'un épisode. Le format fictif de télé-réalité reste très secondaire, tout en offrant des facilités scénaristiques un peu aisées parfois. Si bien que l'on s'intéresse souvent plus aux petits flashbacks des mois précédents, plutôt qu'aux pseudo-storylines du présent. En somme, on a parfois l'impression d'une fiction prétexte dont la seule valeur ajoutée est un sujet courageux. Ce qui n'est peut-être pas suffisant... Mais c'est à découvrir.


NOTE : 6/10

27/11/2009

(Mini-série UK) Sex Traffic : thriller choc sur le trafic moderne d'êtres humains


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J'ai consacré ma soirée d'hier au visionnage du DVD de Sex Traffic. Outre les bonnes critiques générales, et les récompenses remportées (8 BAFTA et 4 Gemini Awards), j'avais aussi été attirée par le nom de son réalisateur, David Yates, plus connu pour son chef d'oeuvre, State of Play (Jeux de Pouvoir). Comme ce dernier, Sex Traffic passa en France sur Arte. Cette mini-série anglo-canadienne date de 2004. Elle est composée de deux parties de 90 minutes chacune, soit un récit de trois heures.

A lire le scénario, l'idée de départ me faisait beaucoup penser à cette série belge choc, Matrioshki : le trafic de la honte, qu'avait proposée M6 au cours d'un été il y a quelques années. En effet, Sex Traffic se propose de nous raconter l'histoire de deux soeurs moldaves qui se retrouvent prises dans la nasse des trafiquants d'être humains, pour un séjour qui les conduira jusqu'à Londres, en passant par Sarajevo et l'Italie. Cependant, là où la première optait pour une chronique racontant le quotidien, sans tabou, des filles comme des proxénètes, Sex Traffic, tout en gardant en filigrane cette approche, de par son format plus court, se rapproche plus du thriller, ne souhaitant pas adopter le même ton didactique, quasi-documentaire, que sa consoeur.

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L'histoire commence avec Elena et Vara, deux soeurs vivant en Moldavie. Elena est une jeune mère célibataire ; tandis que Vara flirte avec un petit ami. Ce dernier leur parle constamment de l'el dorado londonien et des perspectives d'avenir meilleures que l'on trouve à l'ouest. Il leur propose un jour l'opportunité de réaliser ce rêve. Mises en confiance par le fait qu'il est un proche, elles acceptent et se retrouvent happées dans un engrenage qui va les broyer. Leur passeport confisqué, elles sont vendues de trafiquants en trafiquants, dans un trajet interminable, qui les conduit à la plaque-tournante de ce commerce écoeurant que constitue Sarajevo. Car, tout simplement, dans cette ville où résident des milliers de soldats occidentaux, la demande en nouvelles filles y est forte.

Si on suit la descente aux enfers des deux jeunes femmes, en parallèle, Sex Traffic développe différentes storylines qui vont toutes finir par se recouper. Tout d'abord, la mini-série s'intéresse aux causes de ce trafic. Et notamment, à l'influence de grandes entreprises privées de pacification et de reconstruction dans ces zones désolées, qui emploient des milliers d'hommes à cette tâche. Figure en tête d'affiche la société Kernwell. D'ailleurs, un de ses employés vient justement d'être renvoyé, arrêté lors d'un raid de police, alors qu'il cherchait à acheter une fille (pour la libérer en réalité). Mais les dérives rencontrées sur le terrain sont bien plus profondément implantées que ces incidents isolés pourraient le laisser croire. Maîtrisant parfaitement sa communication, d'un cynisme capitaliste à toute épreuve, Kernwell est le type d'entreprise qui, tout en connaissant la réalité du terrain, peut organiser une grande soirée de charité à destination d'une association tentant d'aider les femmes victimes de ces trafics. Cependant, l'épouse du patron, avocate, va commencer à se demander si les attaques dont fait l'objet son mari n'ont pas un fondement.

Par ailleurs, Daniel Appleton, membre d'une ONG britannique, dont le travail est de rédiger des rapports sur diverses situations de crise dans le monde, se trouve une nouvelle cause dans laquelle s'investir. En effet, alors qu'il s'était rendu sur le terrain dans le cadre de sa mission d'observation, il est le témoin des pratiques de commerce d'êtres humains, en cours à Sarajevo. Prêt à provoquer un affrontement aux allures de David contre Goliath, il va entreprendre une véritable croisade pour faire éclater la vérité et stopper ce trafic, où locaux comme occidentaux prennent part.

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Sex Traffic se présente donc comme une fiction choc, jouant sur plusieurs tableaux. Tout d'abord, elle nous propose, sans excès, mais avec une sobriété crue qui ne peut laisser indifférent, une plongée dans l'enfer déshumanisant du trafic moderne d'êtres humains, aux côtés de deux soeurs qui vont devoir apprendre à y survivre. Au-delà de ce commerce révoltant, c'est la réification des jeunes femmes qui marque particulièrement. Elles sont réduites à de simples choses, un vulgaire outil de plaisir qu'il faut entretenir un minimum. Cette vision dégradante, présentée de façon neutre, fait froid dans le dos.

Outre cette réalité cruelle, Sex Traffic joue également sur les codes scénaristiques d'un classique thriller. La figure de la multinationale inébranlable, protégeant ce système dans le but de protéger ses propres intérêts, s'impose comme l'adversaire à faire tomber. C'est ici que se trouve peut-être la particularité de Sex Traffic par rapport à d'autres fictions traitant de la même thématique : elle identifie clairement une origine à ce commerce. En ce sens, elle est moins neutre dans son traitement que la très engagée Matrioshki : le trafic de la honte. L'histoire est vraiment scénarisée de façon plus romancée ; et n'a pas la nuance et le caractère un peu abrupt qu'on retrouve chez la série belge. Au fond, tout en gardant ce thème fort et révoltant, Sex Traffic est peut-être mieux calibrée pour être accessible à un public plus étendu (qui reste cependant composé de téléspectateurs avertis). La dernière demi-heure, qui offre une conclusion au récit, illustre bien cet aspect, avec une forme de fausse semi-happy end au goût amer, mais parfaitement conçue pour une fiction télévisée de ce format.

Sur la forme, la réalisation est efficace, tout en sobriété. Du côté du casting également, l'ensemble est très solide, composé de têtes connues du petit écran. De Wendy Crewson (Regenesis), en épouse privilégiée, prenant peu à peu conscience de la réalité, jusqu'à Anamaria Marinca (The Last Enemy), qui incarne une Elena pleine de ressources, gardant le sens des priorités, en passant par John Simm (Life on Mars, State of Play), en obstiné redresseur de torts, tous remplissent parfaitement leur rôle.

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Bilan : Sex Traffic est une fiction choc traitant d'une thématique qui ne peut laisser le téléspectateur indifférent, le trafic moderne d'êtres humains. La description de la descente aux enfers des jeunes femmes et de leur réification progressive marquent profondément. Pour autant, la mini-série ne se contente pas de cette dénonciation ; elle se présente ainsi sous la forme d'un thriller abouti, parfois un peu trop académique et convenu, mais toujours très efficace.


NOTE : 8/10